Texte : Lucas Rebreyend
Photos : Lucile Thoron

C’est par un glacial début de soirée que l’on rejoint la péniche Sonic pour y retrouver les membres de Baston. L’interview a été calée quelques jours avant, le groupe est enclin à nous accorder quelques instants après ses balances. Arrivés à l’heure au rdv, on croise par hasard quatre lascars le long des quais, que je reconnais être le groupe. Je les hèle, ils semblent un peu surpris et pour cause : l’information n’avait pas du tout circulé et à peu de choses près, on aurait loupé le groupe qui partait boire un coup en ville sans savoir qu’ils étaient censés nous rencontrer… quelle veine ! 
Après une tentative infructueuse de caler l’interview dans un bar proche qui décline poliment notre proposition, on descend une pinte et retourne sur la péniche, où de larges banquettes nous attendent pour mieux se rencontrer.

Est-ce que vous pourriez vous présenter succinctement ?
Le groupe : Maxime, guitare et chant – Samuel, batterie – Kévin, basse – Simon, synthés
Maxime : Ha, et je fais du kazoo aussi.

Sur scène ?
Maxime : Oui… non en fait c’est une passion privée, je fais du badminton aussi. (rires)

Vous n’étiez que trois au début, je crois savoir que c’est toi Simon qui a rejoint la formation ensuite. Tu as participé aux albums ?
Simon : J’ai joué sur les deux albums. Les gars avaient déjà enregistré Primates (leur premier album sorti en 2019, ndlr) et m’ont proposé de rejoindre le groupe pour quelques concerts. C’était bien (« ça c’est ta vision des choses » lance Samuel d’un air taquin) et j’ai donc rejoint notre pote qui finissait le mix pour rajouter quelques claviers sur Primates, à savoir les deux premières de l’album et la chanson K2.

Il n’y a pas de claviers sur Gesture (second EP sorti en 2015, ndlr) ? J’aurais juré… c’est surtout avec Primates que je vous ai découvert. En parlant d’enregistrement, j’ai noté qu’il y avait un gros laps de temps entre la création de vos albums et leur parution, environ un an à chaque fois, est-ce que c’est volontaire ?
Samuel : Ça va être le procès de Baston cette interview ! (rires)
Maxime : Il y a eu des soucis de guitares sur Primates, et des soucis de talent en général (rires). Cela prend du temps : on  est pas satisfait, on change des sons. Le processus ne prend pas deux semaines en tout. On prend deux semaines à enregistrer, et le mois suivant on change quelque chose etc… et six mois après, on est encore à changer un synthé. Ensuite, le mec qui mixe travaille en priorité pour le cinéma, la musique vient après, donc ça s’étale sur des mois. Avec le COVID en plus, on devait se voir en secret donc ça rajoute encore du temps.
Kevin : Tout ce temps disponible a permis d’amener Simon sur Primates. On pensait qu’on allait en avoir marre de jouer ces chansons depuis si longtemps, et ses nouvelles parties de claviers ont fait évoluer les morceaux.
Maxime : Donc pour répondre à ta question, non ce n’est pas volontaire. De plus, on finit souvent de composer les morceaux quand on les enregistre, surtout sur La Martyre (leur dernier album sorti en 2022, ndlr). 
Kévin : Pour cet album, on n’avait pas vraiment joué les morceaux tous ensemble. Les pistes de basse/batterie étaient fixées, mais il restait tout le reste à mettre autour, guitares et synthés. On a tous nos occupations à côté en plus. 

Effectivement ! On a deux ingénieurs, un bibliothécaire et toi Simon ?
Simon : J’ai bossé à la Poste pendant un temps, et je suis en quête d’emploi depuis l’année dernière, si jamais je peux passer une annonce via cette interview d’ailleurs (rires) 

Tu joues de la musique dans d’autres groupes ?
Simon : J’ai joué avec LESNEU, des copains de Brest. 

J’aurais aimé savoir comment vous conciliez ce que vous avez à côté avec le groupe. Vous êtes signé sur le label Howlin’ Banana, vous enregistrez, vous publiez et vous tournez.. Comment est-ce qu’on arrange ça avec un travail ?
Maxime : Justement, on prend notre temps. Et on fait des pauses aussi, à tel point que les gens pensent souvent que le groupe s’est séparé. On ne s’empêche pas de faire de la musique, mais on la fait à un rythme complètement différent. 

J’ai lu dans une autre interview que c’est justement parce que ce n’est pas votre occupation principale que faire de la musique reste prenant.
Kevin : Ça reste un hobby, sans être notamment obligé d’accepter des dates. 
Maxime : je pense qu’on est moins pros dans notre manière de gérer les choses, mais on se prend moins la tête. On n’est pas dans l’objectif de percer. 

Vous êtes quand même signé sur un label !
Kévin : Non, c’est juste que Tom (fondateur du label Howlin’ Banana, ndlr) nous publie chaque album, mais il n’y a aucun engagement contractuel. C’est juste un mec passionné de petits groupes qui aime ce qu’on fait. Ça reste très amateur. 

On sent quand même un sacré engagement dans votre musique, je reste très fan de Primates, que j’ai beaucoup écouté.
(Simon désigne l’édition que j’ai apportée) 
Simon : On voit que tu l’as bien poncé ! 

A vrai dire je l’ai acheté d’occasion, on ne le trouve plus vraiment aujourd’hui.
(S’ensuit une discussion sur une autre édition du vinyle en couleur que le groupe n’a jamais réussi à voir en vrai)

Comment est-ce que le groupe compose ensemble ? Il y a une formule ? Quelque chose d’habituel ? Quelqu’un amène une idée ou un riff ?
Maxime : Ça dépend, des fois on compose tous ensemble, des fois chacun amène un petit truc et ça fonctionne, des fois non. Pour La Martyre, c’était particulier, on a fait énormément de démos qu’on se partageait via un drive en ligne, confinement oblige. C’était inédit, mais il n’y a pas de formule. 

La façon de composer n’a pas forcément changé avec le confinement donc.
Maxime : Kevin en a profité pour beaucoup composer chez lui, notamment des synthés.
Kevin : On avait vachement de temps, et composer sur GarageBand a donné une texture très synthétique à l’album, en plus de la présence de Simon. 
Maxime : Maintenant qu’on peut se revoir normalement, je ne pense pas qu’on recommencera ce processus de démos qui était typique d’un moment où on ne pouvait pas faire autrement, comme plein d’autres groupes. 

Question matos maintenant : vous vous concentrez sur quelques instruments qui font le job ou bien vous collectionnez ?
Kevin : Ça dépend. Simon s’intéresse beaucoup à ça, moi j’en ai rien à foutre. 
Simon : J’ai fait remarquer à Kevin que sa basse n’était pas juste récemment (rires) Personnellement j’aime bien prendre soin de mon matériel. 
Maxime : J’utilise un ampli MusicMan depuis toujours et une vieille guitare des années ’60 que je trouve jolie mais qui n’est pas excellente. On y revient, mais si je voulais être pro, j’en aurais deux ou trois dont une de rechange, avec des micros plus puissants. Mon ampli est abîmé mais il sonne super bien et il marche, c’est tout ce dont j’ai besoin.

C’était précisément ce que je voulais savoir. Vous utilisez les mêmes instruments en studio et sur scène ?
Simon : Absolument, à l’exception du nouvel instrument de cette tournée ; le kazoo, qui remplace de manière cheap le saxophone pour la modique somme de 14,90€. 
Kevin : Samuel fait du saxophone sur La Martyre du coup.

Je l’ai vu sur le teaser justement, où vous faites exprès de faire n’importe quoi pour donner l’impression que l’album est raté !
Samuel : Justement non, c’est des vrais moments un peu nazes. Le gars qui nous a filmés était un peu caché. On l’avait complètement oublié.

C’est bien vu ! Ça donne ce côté faussement désuet au groupe alors que l’album est très bien  produit. Votre univers garde ce côté « à la cool ».
Maxime : On cultive ce côté « petit rigolo ». Ça montre qu’on est pas en train de se prendre au sérieux pour essayer de percer. Le teaser a été réalisé par la même personne qui nous enregistre, nous mixe et bosse pour le cinéma. Plutôt que de sortir quelque chose de putassier où on nous voit faire des trucs excellents, il a pris les pires moments, et c’est hyper drôle. C’est le contre-pied de ce qu’on voit habituellement.  

Dernières questions : pourquoi les titres en allemand sur Primates ?
Maxime : Parce que c’est cool et que ça fait un peu nazi (rires). Il n’y a que le premier en vérité, Arnhem est une ville aux Pays-Bas, Domovoi est le nom d’un esprit de maison russe un peu facétieux. C’est surtout parce que ça sonne bien. 

Sur chaque album, vous avez des titres instrumentaux avec des samples étranges.
Kevin : Sur Viande c’est un extrait de Faites Entrez l’Accusé, et celui de Neptune vient d’une vieille émission des années ’90, Un Samedi Soir en Province, qui a eu des récompenses, il est facilement trouvable en ligne.

Merci à vous ! 
Simon : Merci à toi, j’espère que tu kifferas la stage ! (rire général)

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