Texte : Florian Baudouin

On retourne au théâtre de Fourvière ce dimanche 16 juillet, un peu plus tôt que les précédents soirs (20h30). Aujourd’hui, on a rendez-vous avec le groupe de rock avant-gardiste Sigur Rós, accompagné de l’artiste lyonnaise Claire Days. Fort d’une discographie de plus de 25 ans d’âge, Sigur Rós a vagabondé entre purs sons expérimentaux, pop ambiante, post rock… Si en studio la patte créative est palpable, on a hâte de voir comment ils vont s’y prendre pour capter notre attention tout le long d’un set.

C’est donc Claire Days, singer-songwriter lyonnaise qui ouvre ce plateau. Son son se situe entre pop ambiante et indie rock avec quelques éléments post-punk. Ses morceaux sont mélodiquement assez monotones, on va donc jouer principalement sur les variations d’intensité. Elle est accompagnée d’un bassiste (avec quelques parties de clavier) et d’un batteur, prenant part tous deux à des harmonies vocales qui se fondent parfaitement dans le paysage musical de l’artiste. Les ambiances sont la plupart du temps très mélancoliques, ce qui est également accentué par l’utilisation de beaucoup de reverb et delay. Elle s’adresse quelquefois au public de manière très solennelle, présentant son groupe et sa guitare classique contre laquelle elle troque la guitare électrique le temps d’un morceau.  Les morceaux demeurent très sages, sans passage explosif notable, ce que regrette quelque quidam autour de nous. On regrettera aussi le fait que les morceaux étant très calmes, on puisse entendre un brouhaha tout le long du set. On se croirait un peu à un café concert et on trouve que c’est assez dommage pour elle. Elle ne semble pas en tenir rigueur au public, qu’elle remercie chaleureusement après avoir interprété “My Sister” en guise de dernier morceau et qu’elle salue, sourire aux lèvres, savourant cette opportunité qui lui a été donnée. Difficile donc, de chauffer un public dans ces conditions, mais ce qu’elle propose est intéressant !

Dès le début d’un interminable changement de plateau, on entend des bruitages et fréquences expérimentaux en lieu et place des habituels morceaux diffusés pour l’attente. On comprend donc très vite que tout est fait pour nous plonger directement dans l’ambiance que la bande de Reykjavik veut instaurer. L’attente dure de longues minutes au cours desquelles toutes les lumières sont testées jusqu’à la moindre ampoule, mais au moins voilà qui nous donne un indice : ce soir on va prêter une importance toute particulière à la mise en scène. En effet, l’obscurité se fait, des lumières chaudes et lancinantes apparaissent au niveau du sol, telles un feu de cheminée et une multitude de petites lumières sur pied, comme autant de réverbères, s’allument les unes à la suite des autres, alors que Sigur Rós pénètre sur la scène et commence à jouer “Glósóli”. À partir de là, tout est subjuguant. Tout d’abord le jeu du chanteur et guitariste Jón Þór “Jónsi” Birgisson, qui joue l’immense majorité du temps en frottant ses cordes avec un archet, produisant tantôt une véritable symphonie à lui seul, tantôt des parties lead, ou encore des sons de distorsion pure. Il utilise également sa voix comme un instrument à part entière, utilisant la plupart du temps une voix de fausset, la modulant à l’envie, la faisant même résonner dans sa guitare à un certain moment et déclamant ses texte parfois en inslandais, parfois en volenska, pseudo-langue de sa création.

On parlait plus tôt de la mise en scène et effectivement, nul besoin d’effort pour se laisser  transporter immédiatement. Une petite variation de couleur par ci, un mapping vidéo bien senti par là et nous voilà voyageant à leurs côtés dans un salon au coin du feu, au détour d’une ruelle, au sommet d’une montagne, en bord de mer, au coeur de l’océan… L’élément aquatique est d’ailleurs central tant dans les nuances de couleurs que dans le mapping vidéo. Ils enchaînent les titres sans pause aucune, ni s’adresser au public et c’est en fait très bien. Rien ne devrait interférer avec le voyage qu’on est tous en train de vivre. Tout est si onirique que malgré les longs morceaux, on ne connaît pas une seule seconde d’ennui. On note aussi la facilité déconcertante avec laquelle chacun peut switcher d’un instrument à l’autre, du clavier à la guitare ou inversement… Lorsqu’ils interprètent “Sæglópur”, le public montre son enthousiasme, puis on remarque que ce sera l’une des rares fois où Jónsi jouera de manière plus “conventionnelle”et qu’il va avoir beaucoup plus l’attitude d’une rockstar que quand il utilise son archet. Il s’adresse très brièvement au public pour le remercier et introduire le dernier titre “Untitled #8 – Popplagið”. Après l’avoir joué, il s’absentent quelques instants avant de revenir sous une véritable standing ovation d’un public conquis alors qu’une douce bande son est diffusée et que les écrans nous montrent des images des forêt au milieu desquelles trônent le mot “Takk” en lettres attachées, comprenez “merci” en islandais. Pas de doute, ces gars-là sont de vrais gentlemen de la musique, tant sur le fond que sur la forme. C’est une expérience à vivre.

Photo : Bente van der Zalm

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