Texte : Koen Ruijs
Photos : Black Monsoon

Un lundi soir de novembre, CHAOS Music Magazine a pu avoir une conversation avec les membres du subversif trio de noise-grunge Black Monsoon. On a parlé du sentiment d’impuissance, d’expériences avec des guitares et d’une chambre d’hôtel odorante sur un bateau. Parce que tout ça mène à un nouvel album de Black Monsoon !

Salut Teun, Jacky et Marjolijn ! Ou plutôt, bonsoir Black Monsoon !

Comment ça va ?
Marjolijn: Vu les circonstances, ça va bien. On est tous les trois frais comme des gardons !

Est-ce que vous continuez à vous réunir en tant que groupe en cette période de corona ?
Marjolijn : On répète plus que jamais ! On a une énorme salle de répétition dans une ferme vers Deventer (Pays-Bas). On passe beaucoup de temps ensemble là-bas.

Le 27 novembre, votre premier vrai album studio va sortir. C’est aussi votre second opus après votre premier EP. Vous avez appelé l’album « Pantomime ». Quelle est pour vous la signification derrière ce titre ?
Teun : Pantomime veut dire que tout est acté et dépeint sans avoir besoin de mots. On pense immédiatement à un spectacle de marionnettes et un mime. Personnellement, je pense direct à un Pierrot. L’idée c’est que tu es un personnage avec lequel on joue et que tu n’as pas le contrôle de tes propres mains. Même si tu as l’impression d’avoir le contrôle, ce n’est souvent pas le cas. Avec la pandémie actuelle, ça devient souvent évident, tant il y a de choses qui se passent autour de toi, sur lesquelles tu n’as aucune influence. A cause de ça, tu n’as pas le contrôle de ta propre vie. On a décidé d’appeler l’album Pantomime parce que toutes les chansons de l’album ont un rapport avec ce sujet.

Était-ce seulement un sentiment d’impuissance ? A cause de la pandémie, ou y a-t-il d’autres expériences ou interprétations plus personnelles que vous connectez avec le terme « pantomime » ?
Teun : On a tous les trois notre propre avis sur le sujet. Mais peut-être que je pars vraiment loin en pensant que même si tu crois tout contrôler, inconsciemment, tu es toujours une marionnette. Ça remonte même à ton enfance. Comment tu as été élevé et tout ce que tu expérimentes autour de toi, c’est ça qui va déterminer ta vie. Et après tu crois que tu es super indépendant là-dedans, tu crois avoir créé ta propre opinion, mais en même temps elle est créée en grande partie par ce qui t’entoure. Même inconsciemment.
Jacky : De notre point de vue, le single Pantomime a très bien marché. C’est pour ça qu’on a eu l’idée de l’utiliser comme titre de l’album. La chanson a vraiment un rapport avec le fait d’être une marionnette, mais ce n’était pas exactement notre intention de faire cette connexion directement entre l’album et la pandémie.

La jaquette est constituée de dessins d’yeux pendus. Pourquoi est-ce que l’aspect visuel est si important avec le titre de l’album et l’artwork ?
Marjolijn : J’ai fait l’artwork moi-même. Il fait écho à l’artwork de Jabberwocky, notre single sorti il y a quelques temps. L’artwork en question était constitué d’un œil. Et sur la jaquette de l’album les yeux sont bien sûr reliés à un fil, ce qui montre que quelqu’un au-dessus a le contrôle de la position de tes yeux. Il n’y a pas non plus de bouche reliée à l’œil, alors les yeux tous seuls ne peuvent rien dire. 

Musicalement, qu’est-ce qui vous a inspiré pour « Pantomime » ?
Jacky : Ensemble, on est toujours en train de grandir et de se développer musicalement. Pour cet album, par exemple, on a davantage fait usage de plusieurs voix et de petits chœurs. On a chanté ensemble et on voulait poser une grosse performance vocale pour donner plus de profondeur aux chansons. On s’est également rapproché davantage simplement en jammant beaucoup ensemble.
Marjolijn : Il y a quelques breaks risqués et des parties en staccato dans les morceaux, ce qu’on utilisait pas autant avant.
Teun : Oui et en plus on s’est mis à un peu plus expérimenter de partout.

Et pour ce qui est d’expérimenter davantage, est-ce que vous avez des exemples ?
Teun : On a travaillé avec un autre producteur pour cet album : Jan Schenk. On a enregistré notre dernier EP avec Joes Brands dans son studio près d’Anvers, en Belgique. On aurait pu vouloir y retourner pour enregistrer notre album, mais on a décidé de travailler avec quelqu’un d’autre pour cet album. Parce que ce serait très rafraîchissant pour nous. On a remarqué ça quand on était dans le studio. La veille de l’enregistrement, je suis allé au magasin de musique pour acheter un nouveau câble, mais je suis revenu avec une nouvelle pédale de fuzz et une nouvelle distorsion. Je les ai amenées toutes les deux au studio et on les a utilisées pour toutes les chansons. Et ça a fait un peu changer le son du groupe à la dernière minute. Et tout s’est passé spontanément. Parce que trois semaines avant d’entrer en studio, on ne savait pas vraiment comment notre album sonnerait exactement. 

Donc le thème de l’album c’est qu’on n’a pas toujours le contrôle pour prendre ses propres décisions. Est-ce que vous en avez l’exemple dans un morceau ?
Jacky : Dans Awake, on essaie d’exprimer qu’on ne devrait pas simplement prendre tout ce qu’on nous dit comme une vérité. Suis simplement ta route et fais ce que tu as à faire.
Teun : Losing parle de se leurrer et de commencer soi-même à y croire. C’est un genre de jeu psychologique. Le sentiment d’impuissance, c’est aussi quelque chose que tu peux tourner à ton avantage. Tu peux alors retourner le fait de savoir que tu es contrôlé pour contrôler les autres à ton tour.

Mais aviez-vous le détail de toutes les chansons sur lesquelles vous aviez travaillé avant d’entrer en studio ?
Marjolijn : La structure de la plupart des chansons était fixée. Parce qu’on avait aussi relativement peu de temps pour enregistrer toutes les chansons sur la période pour laquelle on avait le studio. Par exemple, on a enregistré les sept dernières chansons en quatre jours.
Teun : Si je compare cet album avec notre précédent EP, je me suis mis à utiliser plus de guitares différentes et aussi plus d’accordages bizarres. Par exemple la chanson “Jabberwocky”. Je l’ai jouée sur une vieille guitare, que j’ai retrouvée après longtemps. J’ai acheté trois cordes neuves pour la guitare puis j’ai enlevé les autres cordes parce qu’elles s’étaient oxydées. J’ai accordé les trois cordes de la guitare en Fa, ce qui donne une ambiance très étrange quand tu te mets à jouer. Cette ambiance étrange a fini par devenir caractéristique de Jabberwocky.

Bente van der Zalm

Et comment était l’ambiance au sein de Black Monsoon quand vous n’étiez pas en train de jouer ?
Teun : On a dormi dans une chambre d’hôtel sur un bateau, bien trop petite et qui sentait mauvais. L’évier et le tapis puaient terriblement haha.

Quand vous êtes en studio pour enregistrer, est-ce que vous avez une méthode de travail spécifique ?
Marjolijn : On fait d’abord les prises instrumentales principales puis les voix et on ajoute d’autres arrangements.
Teun : Principalement on fait deux ou trois prises basique, parce qu’ensuite tout le monde a suffisamment d’énergie pour le morceau. Les sessions ont souvent commencé par arriver là, prendre cinq minutes pour se chauffer et ensuite c’est parti pour enregistrer ces premières prises. Après ça, on écoutait ces prises et on passait le reste de la matinée à décider ce qu’on devait ajouter pour finir la production. A un moment à la mi-journée on recommençait ce processus. Jan commençait à mixer juste après l’enregistrement pour qu’on puisse immédiatement réagir au mixage.

Y avait-t-il beaucoup de débats au sujet des nouvelles sonorités et sur les choix des producteurs ?
Teun : Oui, clairement ! Et la plupart du temps un tel débat peut être enflammé haha. Mais l’on est trois. Donc si deux d’entre nous ne sont pas d’accord, il y a toujours le troisième qui peut faire office de médiateur et tout finit par bien se passer. La plupart du temps, Marjolijn est la médiatrice qui va calmement dresser une liste et décider quelle est la meilleure chose à faire.
Jacky : Oui, parce que Teun et moi pouvons parfois se disputer comme des frères et soeurs peuvent le faire. On est tous les deux très têtus. Mais on ne s’est jamais battu haha.

Comment les chansons présentes sur « Pantomime » vous sont-elles venues ?
Marjolijn : Elles sont toutes les évolutions de jams dans la salle de répétition. Après une longue jam session, on va choisir les meilleures parties et on les affine pour les transformer en chansons.
Teun : La chanson Fire par exemple est arrivée pendant un soundcheck. Marjolijn tournait les boutons de la table de mixage pour régler nos micros. Ensuite j’ai simplement commencé à jouer quatre accords et chanter un peu. C’est un peu sorti de nul part. Mais c’est immédiatement resté coincé pour Jacky et Marjolijn. Alors on a développé cette idée en une chanson complète. Le texte est vraiment produit par le son de nos instruments et les mélodies qu’on fredonne pendant les jams. Pour créer l’atmosphère adéquate pour nos jam sessions, on éteint toujours la lumière de la salle de répétition. Parce que jouer en étant éclairés par des lampes TL n’est pas exactement l’atmosphère qu’on recherche pour notre musique.
Jacky : On enregistre aussi toutes les répétitions entièrement, pour qu’on puisse réécouter toutes les jam sessions après coup. Quand on réécoute ces jams, on prête attention aux mélodies qui passent, puis on regarde quelles paroles pourraient correspondre.

Qui écrit les paroles des chansons ?
Jacky : Teun et moi écrivons beaucoup de paroles ensemble, mais Marjolijn a aussi écrit les paroles d’une chanson.
Teun : On regarde souvent les textes finaux tous les trois. On a même fait ça en studio pour quelques mots qui n’allaient pas bien avec la musique. A vrai dire, ce n’est jamais arrivé qu’on ait un texte fini et qu’on écrive la musique par-dessus.  Et ce n’est pas non plus très probable que ça arrive. On commence toujours par travailler à partir de la musique.

Vous aviez prévu une release party le 27 novembre à Burgerweeshuis. Ça a été annulé à cause des mesures covid de ces dernières semaines. J’ai lu sur vos réseaux sociaux que vous prévoyez de faire un “videotour”, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Jacky : On veut faire quelque chose de sympa pour la sortie de l’album malgré l’annulation de la release party, alors on a juste à faire ça avec une tournée vidéo. De cette façon, les gens pourront toujours entendre nos nouvelles chansons. En plus on a trouvé quelques endroits spéciaux pour enregistrer ces chansons.
Marjolijn : L’alternative était par exemple un live stream. Mais personnellement je trouve que c’est un peu chiant parce qu’on a ces mesures covid depuis si longtemps. En enregistrant quelques vidéos séparément pour chaque chanson, le public n’a pas besoin d’être assis derrière son ordinateur pendant une heure, mais ils peuvent se laisser emporter par une chanson pendant un court moment.

Est-ce que ces endroits sont secrets ?
Marjolijn : Oui ils le sont haha. En plus on est encore complètement en train d’organiser tout ça alors on ne peut pas vraiment dire à quoi les enregistrements live vont ressembler. Mais les lieux ont vraiment été choisis pour chaque chanson pour que l’ambiance du morceau soit renforcée.

A partir de quand  la première vidéo sera-t-elle disponible ?
Marjolijn : On a dû changer super rapidement, parce qu’on a seulement su début novembre que la release party était annulée. Mais on pense que la première vidéo sera en ligne début décembre.

« Pantomime » est dès à présent disponible à la commande sur la boutique en ligne de Black Monsoon. L’album sera bientôt disponible sur toutes les plateformes de streaming.

Voici un court aperçu de l’enregistrement :

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