Texte : Susanne van Hooft
Photos : Bente van der Zalm

L’auteur-compositeur-interprète britannique Tom Odell est notamment connu pour ses chansons « Another Love » et « Grow Old With Me ». Après une courte absence, Tom Odell sortira plus tard cette année son troisième album. La chanson « If You Wanna Love Somebody » tirée de l’album a été publié la semaine dernière. CHAOS Music Magazine a rencontré Tom Odell le premier jour de Vestrock 2018 – festival néerlandais aux résonances pop et rock qui a lieu à Hulst – et a échangé avec lui sur les choses qui le passionnent le plus, à savoir faire de la musique et écouter celle des autres. Il nous a également dit un peu plus sur l’album qui l’a inspiré pour la création de son nouvel album.

Nous avons pris connaissance de la sortie de ton nouvel album, souhaiterais-tu partager avec nous quelque chose à ce sujet ?
Tom : Pas vraiment non (rires). Néanmoins je suis content de revenir sur le devant de la scène et quelque part j’ai encore du mal à croire que ce sera réellement le troisième album que je fais.

Nous voudrions aborder avec toi la question de l’écriture : quand exactement en viens-tu à être persuadé qu’une chanson que tu as écrit est une belle chanson, ou du moins une chanson intéressante ?
C’est un peu compliqué à vrai dire, et je n’y pense pas tellement. Quand je fais ma musique, je ne réfléchis jamais à ce que les gens pourraient en penser. C’est seulement pendant ce très court laps de temps lorsque que la musique est train d’être mise sur cd ou en ligne, et que je n’en ai plus aucun contrôle, que surgissent des angoisses, et que je me commence à me dire : Peut-être j’aurais dû faire ceci au lieu de cela et ainsi de suite (rires). Ça m’est pas mal arrivé.

Tu t’y es presque habitué.
Oui et non. Je ne sais pas si je m’y habituerais un jour.

Très bien. Tu n’aimes pas anticiper le fait que les gens peuvent ou pas apprécier ta musique, mais quand deviens-tu, toi personnellement, persuadé qu’un morceau a du potentiel ?
Tu le ressens, quand c’est bien, quand ça va dans le bon sens. Parfois, il m’arrive d’avoir une idée pour un morceau, ça peut être un refrain, une mélodie, des paroles, peu importe, que j’oublie cette idée pour un moment, et que j’y retourne presque instinctivement. Et là je me dis : Pourquoi je retourne à CETTE idée-là en particulier ? Pourquoi je veux la jouer ? Alors j’y travaille un peu plus et parfois sans me rendre compte le morceau est déjà presque terminé. Finalement il y a toujours un moment où je me dis : putain ça, ça me plait. Ceci dit, les morceaux dont je suis le plus fier sont souvent très lents, comme une sorte d’expérience méditative. Je note tellement d’idées ; et c’est seulement sur celles qui résonnent le plus longuement dans mon cerveau que je vais travailler.

Ton écriture est-elle différente aujourd’hui de celle que tu avais il y a cinq ans ?
… Je ne sais pas en fait. J’ai toujours senti que ça changeait à chaque fois. Mais peut-être pas, car quand je m’assois pour jouer du piano, c’est toujours le même sentiment que quand j’avais douze ans. Du coup je ne sais pas. En tout cas je ne suis pas sûr.

Mais, quand tu avais douze ans, tu ne savais pas que des milliers ou des millions de personnes écouteraient tes chansons.
En effet. Mais il ne faut pas tellement y penser. Peu importe le domaine dans le lequel on est, il ne faut pas trop penser au public, sous peine que ce qu’on fait devienne vite artificiel, ou prémédité. Je pense que la musique doit relever de l’instinct. Elle ne doit pas être trop pensée ou intellectualisée. Comme de la peinture projetée hasardeusement sur une toile. Peut-être que je suis un peu trop romantique sur ce côté-là.

Tes chansons sont toujours très personnelles. Qu’est-ce que ça fait de chanter une chanson que tu as écrite, pour la première fois devant un public?
Ça fait du bien la plupart du temps. Mais parfois c’est bizarre. Une fois que tu as écris une chanson; c’est presque comme si tu l’offrais au monde. Il ne serait pas exagéré de dire qu’à chaque fois que tu la chantes, tu exposes là une partie de ton âme. Il arrive qu’à un certain point, après avoir écrit, enregistré, joué sur scène, écouté accidentellement sa propre musique sur une radio, la musique n’est plus vraiment la tienne. Enfin… elle l’est un peu mais pas au même titre que quand vous l’aviez tout fraichement écrite. À ce point, vous l’avez entendu ou expérimenté dans tellement d’environnements et vous avez témoigné de tellement de réactions de la part des gens à l’égard de cette musique. Tout cela lui donne des couleurs différentes et des attraits différents, ce qui rend l’expérience d’autant plus intense. Ce qui est très appréciable à la musique c’est qu’elle réunit les gens plutôt que de les diviser. Et ça me réunit d’autant plus avec les gens qui m’écoutent.

Certes, ça ne doit pas être un peu bizarre que des milliers de gens chantent ou presque hurlent allégrement des paroles que tu avais écrit alors que tu étais triste ?
Je pense que c’était étrange la première fois où c’est arrivé. Mais maintenant ça veut juste dire que j’ai composé du bon son. Du coup quand ils chantent, je me dis que quelque part j’ai réussi, mais quand ils ne chantent pas, je me dis que j’ai merdé (en riant très fort).

Quel album a changé ta vie ?
Il y en a beaucoup. Un incontournable serait « Goodbye Yellow Brick Road » d’Elton John. Peut-être un moins connu serait « Whatever And Ever Amen » de Ben Fold Five. Mais l’album qui a inspiré le mien est sans doute « Whatever’s For Us » de Joan Armatrading. Il y a aussi le travail de Randy Newman que j’apprécie beaucoup.

Tu as chanté « I Think It Is Going To Rain Today » de Randy Newman sur votre premier album; tes chansons ne sont pas toujours joyeuses. Aimes-tu les chansons dépressives?
Oh vous pensez que c’est dépressif ? Moi je dirais plutôt de la joie mélancolique. Tomber amoureux n’est ni d’une joie absolue ni d’une tristesse absolue, mais plutôt quelque part entre les deux. C’est quand on est dans ce quelque part là qu’on sent les choses un peu plus intensément. C’est comme une sorte de conscience, comme quoi on sent quelque chose de concret et on sait qu’on la sent.
Ce que j’aime c’est une belle chanson, une chanson qui résiste au temps. Je ne les analyse pas, ou juste un strict minimum. Oui, en fait je ne peux pas me garder d’analyser juste un tout petit, mais j’essaie plus de savourer la chose. Et mine de rien je suis toujours capable de me poser et juste d’écouter la musique, sans pour autant vouloir la transcrire. J’aime écouter la musique ! C’est mon truc préféré.

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