Texte : Paul van der Zalm

Le nouvel album de St. Vincent, sorti aujourd’hui, s’appelle Daddy’s Home. Le titre est une référence directe au retour à la maison du père d’Annie Clarke, la femme derrière St. Vincent. Alors qu’elle et son alter ego accumulent succès sur succès, avec en point d’orgue l’album primé MASSEDUCTION en 2017, lui purgeait une peine d’environ 10 ans pour fraude jusqu’à sa libération en 2019.

Dans les paroles de la chanson éponyme, elle explique clairement comment elle a vécu cela : « Tu as fait ton temps, j’ai fait mon temps aussi ». Mais malgré quelques cris très contrôlés dans cette chanson, l’album semble plus destiné à traiter les problèmes de papa qu’à les affronter. Musicalement, on pourrait même considérer qu’il s’agit d’un hommage aux sons vinyles de la funk et de la soul new-yorkaise des années 1970 avec lesquels son père l’a élevée, ce qui est un son totalement différent de celui que nous avons l’habitude d’entendre de sa part. Ce qui est moins personnel, c’est que, en tant que St. Vincent, elle se retrouve directement dans ce rôle (également visuellement) et poursuit la perfection à l’extrême. La production, toujours avec Jack Antonoff, est impeccable et, bien qu’elle soit elle-même une excellente guitariste/multi-instrumentiste, elle est également soutenue par toute une série de musiciens, dont Thomas Bartlett ; à noter également la contribution de la choriste Kenya Hathaway, fille de l’icône des années 70 Donny Hathaway. Le titre d’ouverture « Pay Your Way in Pain » fonctionne bien ; il s’agit d’une chanson accrocheuse et sensuelle comme Prince pourrait le faire, et le titre funk lent « Down and Out » est également réussi.

Dans le très heavy « Candy Darling », qui fait référence à la Candy de la chanson  » Walk on the Wild Side  » de Lou Reed, on peut se demander si on est dans l’excès ou non et « At the Holiday Party » semble plutôt indispensable.

D’un autre côté, il y a des chansons comme « (I’ll take you) Down » qui commence par une boucle de basse et se transforme en un rythme funky entraînant, avec en prime une belle chorale en arrière-plan, et la superbe chanson « Somebody Like Me » fait preuve d’un rythme détendu et de sons de guitare subtils. Dans ‘The Laughing Man’ (« If life’s a joke, then I’m dying laughing »), Clarke a des allures de crooner féminin.

Bien que le lien avec une chanteuse comme Lana del Rey ne soit jamais bien loin, St. Vincent nous a rappelé le projet This Mortal Coil à plusieurs reprises : dans le morceau de 6,5 minutes « Live in the Dream », qui commence lentement, mais dont l’intensité augmente et qui se termine d’abord par un puissant solo de guitare, puis par une fin mélodique, et dans le court interlude (!) « Humming » qui clôt l’album. Plus tôt dans l’album, il y a deux autres interludes portant le même titre : le premier ressemble à un fragment chanté enregistré spontanément, l’autre à une piste instrumentale aliénante.

L’album a été enregistré par Laura Sisk, mixé par Cian Riordan et masterisé par Chris Gehringer. Autres musiciens : Jack Antonoff, Cian Riordan, Thomas Bartlett, Evan Smith, Sam KS, Greg Leisz, Daniel Hart, Michael Leonhard, Lynne Fiddmont et Kenya Hathaway.

Loma Vista Recordings / Caroline