Texte : Paul van der Zalm

En janvier, Robin Kester a fait un bref retour dans sa ville natale de Groningue depuis Rotterdam dans le cadre de l’ESNS. Au cours du programme parallèle, elle a donné une performance chez le disquaire Plato et là, nous avons vu de nombreux mélomanes remarquer qu’une longue file d’attente s’était déjà formée à l’extérieur dans le froid (et qu’ils ont donc manqué le spectacle). Ce n’est pas surprenant, car Kester s’est déjà fait un nom. Ce qui est remarquable, en revanche, c’est que l’album sorti la semaine dernière n’est que son premier album, bien qu’elle ait également fait une entrée convaincante avec le mini-album This Is Not A Democracy en 2020.
Comme pour la réalisation de ce dernier, elle a de nouveau travaillé en étroite collaboration avec Marien Dorleijn, leader du groupe Moss, pour cet album.

Le texte promotionnel de sa participation à Popronde 2018 indiquait : « Cacher et révéler, la musique comme auto-analyse. Derrière Robin Kester se cache non seulement la personne, mais aussi un groupe complet, des mélodies inattendues et des effets sonores incantatoires. » et c’est toujours d’actualité. Attendez-vous à de la dreampop avec une touche d’originalité, avec Kester qui murmure souvent, parfois haut, parfois bas, mais toujours de manière intrigante.

Pour moi, c’est particulièrement évident dans le magnifique et envoûtant morceau phare Cat 13, dans lequel elle chante « I’ll be waiting in the car // It’s fine // I’m watching the cat in the mirror // Avoiding strangers ». Musicalement, on se rapproche de Courtney Barnett, par exemple, avec Kester seule sur sept instruments différents. Le morceau d’ouverture Fries and Ice Cream est d’un tout autre ordre. Il s’ouvre sur un rythme agressif et des synthés qui vous prennent brièvement au dépourvu et peuvent vous faire penser que vous avez affaire à un groupe des années 80, mais ce n’est pas représentatif du reste de l’album. Quant à Leave Now, qui suit, et qui a été diffusé en avant-première sur BBC6 fin mars 2022, on peut dire que qu’il l’est. L’inspiration de ce titre vient d’un voyage chaotique au Vietnam, à propos duquel Kester chante dans une cadence répétitive sur fond d’une sympathique boucle de batterie et de basse ondulante. Des sentiments nostalgiques résultant de certaines expériences désagréables ont conduit à Infinity Song, une chanson néanmoins uptempo dans laquelle Kester montre qu’elle peut aussi chanter comme Weyes Blood.

La plupart des chansons de l’album durent entre 2 et 4 minutes. À 4:51, la berceuse Goodnight Argus est une exception en termes de longueur ; cependant, plus d’une minute est consacrée à une outro instrumentale qui suit un arrangement soigné de lignes vocales alternées. C’est comme ça qu’on veut être bercé pour s’endormir !

La chanson uptempo accessible « Blinds » a également ces belles lignes vocales. Ici, l’outro est formée par une guitare qui ressemble à un saxophone déchirant (ce qui aurait été une autre option). Comme Cat 13, Infinity Song et Fries and Ice Cream, cette chanson a été coproduite par Ali Chant, basé à Bristol, qui a un palmarès impressionnant ; il a déjà travaillé avec Yard Act, Sorry, Dry Cleaning, Aldous Harding, Squirrel Flower et Soccer Mommy. Son influence est clairement audible, car ces chansons s’élèvent qualitativement juste un peu au-dessus des autres.

Je voudrais également attirer l’attention sur deux autres morceaux : dans Skinny Kids, un joli tapis de sons est posé avec des voix doublées par-dessus. Et Zwanzig Zwanzig est un morceau instrumental un peu fou et étrange comme pourrait en faire The Murder Capital ; sur ce morceau, Kester et Dorleijn se lâchent allègrement.

AT EASE