Texte : Susanne van Hooft

En pensant à cette période de pandémie de Covid-19, on se souviendra surtout de live-streams et de petits concerts. Mais lorsqu’on cherche vraiment de la musique qui a été inspirée par le virus, c’est probablement un aspect que l’on retrouvera moins. Stay Alive de Laura Jane Grace, sorti vendredi dernier peut être un bon exemple d’album qui dépeint ce sentiment d’anxiété, de distance, et ce nouveau train de vie lié au virus.

Toutes les chansons de cet album ne traitent pas du Covid, c’est même le contraire. On trouve des chansons qui parlent de manger un croissant en Espagne, d’une rivière à Glasgow, des chansons sur la séparation, mais c’est un album qui hurle de continuer à vivre. Surtout de ne pas mourir. C’est aussi ce que Grace elle-même nous dit de cet album et de son ambiance. Déchirant par sa simplicité et par la vulnérabilité dont il fait preuve. Cette impression n’est pas seulement causée par la voix rauque de la chanteuse, mais également par le processus d’enregistrement particulier. Les chansons ont été enregistrées et éditées de manière complètement analogique ; aucun outil informatique n’a été utilisé. Au cours de l’enregistrement, qui n’a duré que deux jours, seuls Laura Jane Grace et Steve Albini étaient présents. Ce qu’on entend sont des chansons enregistrées dans les conditions du live. Souvent, seule une guitare est utilisée, parfois on trouve également des percussions comme support minimal. On peut entendre ce processus : Grace prend sa guitare et se perd complètement dans la musique. On a un sentiment d’intimité, comme si l’album avait été enregistré dans sa chambre. Le résultat est nu, honnête. Le revers de la médaille de ces chansons en solo, c’est qu’elles doivent être très fortes en elles-mêmes pour rester intactes, mais elles ne le sont qu’en partie.

Elles sont agréables à écouter, mais après les avoir écoutées quelques fois on s’aperçoit qu’elles ne sont pas si transcendantes, comme “Hanging Tree”. Certaines chansons sont presque optimistes, comme “Mountain Song”, mais elles ont inévitablement un arrière-goût amer, presque cynique (“When I said I loved you I only meant that I ought to”). Il est clair que cette femme a eu une vie émouvante : née dans le mauvais corps, droguée à 13 ans, hantée par la dépression. Après bon nombre d’albums avec un groupe, c’est son premier album solo. L’idée était de faire un nouvel album avec Against Me!, mais ouais, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Donc le message de cet album à propos de cette année de dingue, on peut probablement tous le voir : “I’m all fucked up, but I’m alive”.

Big Scary Monsters

Photo : Bente van der Zalm