Texte : Paul van der Zalm

En 2018, Hater semblait promis à un avenir radieux : le groupe de Malmö était considéré comme l’une des promesses de l’Eurosonic Noorderslag et Siesta, leur premier album après être passé du label indépendant PNKSLM à Fire Records, plus important, était scruté. C’était assez surprenant, car il était assez difficile de relier l’image du groupe encore jeune, avec sa chanteuse-guitariste Caroline Landahl comme point de mire, au son du premier EP de 2016 et du LP de 2017 qui a suivi. Les guitares qui s’entrechoquent et la voix de Landahl, parfois presque sautillante, n’en font pas vraiment une musique adaptée à la radio. Pourtant, il y avait ce je ne sais quoi qui retenait d’emblée l’attention et enthousiasmait apparemment les critiques.

La tournée aux États-Unis dans le sillage de leurs compatriotes Radio Dept était donc très attendue, et le single ‘Four Tries Down / It’s A Mess’ est sorti à cette occasion en 2019, mais la tournée a été annulée et la grande éclosion n’a toujours pas eu lieu. « Bad Luck » donc, et c’est aussi le titre de la chanson qui est sortie en juin 2021 et qui préfigure donc l’album Sincere qui sort aujourd’hui. C’est une chanson accrocheuse qui vous prend immédiatement aux tripes. Landahl sait en effet transmettre avec sincérité le sentiment de se complaire dans le chagrin ; tout finira probablement par s’arranger, mais pas tout de suite (« I promise I’ll be »). On remarque que son chant s’est amélioré et que le registre grave lui convient bien, avec un côté brut agréable.  Dans le clip vidéo qui accompagne l’album, on voit Landahl en train d’auditionner, ce qui ajoute au sentiment de gêne. La photo de la couverture, d’ailleurs, est également issue de cette session. Musicalement, cette chanson est dans la lignée des sorties précédentes et c’est spécial, car sur cet album, seul Måns Leonartsson reste du line-up original. Frederick Rundquist et Rasmus Andersson sont les nouveaux membres du groupe.

C’est amusant que l’album précédent ait été annoncé comme ayant une atmosphère idéale pour un amour d’été, mais qui se solde par un cœur brisé avec une fin brutale, car « Summer Turns To Heartburn » sur cet album est dans la lignée des chansons précédentes. Musicalement aussi, la chanson se transforme en une dépression automnale à mi-parcours. Bien entendu, ‘I’m Yours Baby’ de Hater n’est pas une chanson d’amour. Mais c’est un soulagement d’entendre un titre qui semble avoir été enregistré en une seule prise, au lieu de toute cette musique surproduite. Les crédits pour cela vont probablement au producteur Joakim Lindberg qui est impliqué avec le groupe depuis le début.

Dans ‘Bad Blood’, les choses deviennent plus dures, tant dans l’intro que sur la fin. Les voix sont basses, brutes et lentes, avec un peu d’écho. Il est suivi par le single ‘Far From A Mind’, qui commence par une intro à la New Order et passe ensuite à des rythmes trépidants comme dans la musique de Jagd ou Waltzburg. Les chœurs se distinguent ici aussi. Le morceau d’ouverture « Something » est une chanson plus accrocheuse dans la veine de Wolf Alice ou des Cardigans, mais un peu plus alternative, comme les premiers Sugarcubes (le groupe de Björk). Encore plus que les autres chansons, elle s’appuie sur des guitares accrocheuses. Les attentes ont peut-être diminué, mais heureusement, tout espoir n’est pas perdu, comme le prouve le morceau de clôture « Hopes High », qui a immédiatement un goût de reviens-y, même si pour un groupe comme celui-ci, c’est certainement un goût auquel il faut s’habituer. 

Fire Records / Konkurrent

Photo : David Möller