Texte : Lucas Rebreyend

Encore un groupe qui va vous rendre chèvre. Les suédois transis d’afro-beat ont de nouveau frappé fort avec leurs chants mystiques et leurs guitares vengeresses sur ce nouveau recueil qu’on ne dénigrerait pas un soir autour du feu, au crépuscule d’une lune rouge, et les pieds emportés dans une transe éperdue. La transe, un terme qui semble guider l’esprit même de ce groupe, et peut-être parfois à l’excès. 

Même si l’identité de ses membres constamment vêtus de tenues cérémoniales sur scène demeure inconnue du public, Goat possède une signature mélodique très reconnaissable aux oreilles de celui ou celle qui a déjà goûté au breuvage… car qu’on se le dise, c’est un groupe de sorcières. Les deux voies féminines, souvent à l’unisson, scande, glapissent, vocifèrent. Autour d’elles, l’instrumentation est nerveuse, chaude. La rythmique tribale évoquent le sillage ouvert par la légende nigérienne Fela Kuti et sa célébration des percussions ainsi que les écarts free-jazz que l’on retrouve ici et là (« Do the Dance » puis « Apegoat » aux saxophones hallucinés). La guitare est l’autre versant de la montagne ; elle est tranchante, volontairement sous-produite, puisant son inspiration dans le rock bédouin.

Commençant sur les chapeaux de roues avec des titres très réussis -mention spéciale à « Chukua Pesa » et son fourmillement de guitares acoustiques-, l’album perd quelque peu en spontanéité vers la moitié où l’on s’inquiète d’une formule qui se répète avec moins de surprise. Même si l’énergie vaudou caractéristique plane sur l’intégralité de l’album, on regrette par moments la bravoure d’un Commune (2014) où chaque piste faisait mouche et sonnait comme un petit tube. Bien loin d’être inintéressant, Oh Death se contentera, à défaut d’un chef-d’oeuvre, d’être le franc retour des sorciers scandinaves, 6 ans après Requiem, et rien que pour ça, on saisit le gobelet fumant, et on en avale le charme sans sourciller. La tête dans les nuages, l’instrumental final « Passes Like Clouds » nous enveloppe de son clavier décalé, comme perdu au bout d’une piste désertique qui nargue l’océan. 
Goat fait parti de ces groupes qui ont trouvé leur style unique, le perfectionnant au fil de albums, toujours à la poursuite de la recette ultime. Ce faisant, on sait quand on entend du Goat, et il est à peu près certain qu’ils (et elles) sonneront toujours comme ça. Va pour, c’est trop bon pour être boudé. 

Rocket Recordings