Texte : Paul van der Zalm

« Un accident est vite arrivé”, connaissez-vous cette expression ? J’y ai pensé en écoutant l’EP “Feeling Lucky” de Nilüfer Yanya, sorti hier. Dans cet EP ne comprenant que trois titres, la chance est le thème central. Plus spécifiquement : dans quelle mesure la (mal) chance influence-t-elle votre vie et à quel point cela repose-t-il entre vos mains ?

Ce serait un euphémisme de dire que l’année écoulée a été fortement déterminée par la crise sanitaire. Dans le néant qui s’en est suivi après la tournée dans le cadre du très apprécié premier album “Miss Universe” sorti en 2019, Yanya a saisi l’occasion de travailler sur cet EP. En effet, ces idées lui trottaient dans la tête depuis un certain temps et elle ne s’imaginait pas faire des live streams.

Plus ou moins par accident, Yanya est entrée en contact avec trois gars qui se sont occupés de la production, en premier lieu pour le titre de clôture “Same Damn Luck” que Yanya a enregistré et écrit en collaboration avec Wilma Archer. C’est une chanson tranquille qu’elle décrit elle-même comme une “guitar ballad”, caractérisée par un guitar picking joué en duo avec la basse (comme on peut le retrouver chez The Cure par exemple), mais on est surpris par la façon dont Yanya alterne entre le chant aigu et grave. Malheureusement, mais ce qui en ce sens est bon signe, la chanson se finit trop rapidement. Une chanson plus représentative de Yanya est “Day 7.5093”, plus simplement appelée Day 7, principalement du fait de sa voix rauque. Cette chanson est produite par Bullion, qui provient du même label et de la même ville et ils ont ensemble créé un titre très réussi avec de nombreuses couches et assez de place pour de jolis sons et parfois une guitare plaintive. Yanya avait déjà joué la chanson en juillet lors d’un Tiny Desk Concert pour NPR et en octobre elle fut utilisée pour une campagne contre le déclin de la démocratie américaine, aux côtés d’autres chansons de groupes tels que Arcade Fire ou The War On Drugs. Bien que ce titre soit chanté, il aurait tout aussi bien pu être rappé. Mais nous avons été tout à fait époustouflés par la chanson d’ouverture “Crash” dont le titre est une référence à la peur de l’avion et plus indirectement à la peur de perdre le contrôle. Yanya montre son autre visage, qu’on ne connaissait pas encore : celui d’une femme forte que l’on suspectait, mais qui était caché jusqu’alors. Dans ce tube de premier ordre on trouve la ligne “If you ask me one more question, I’m about to crash”, la phrase qui revient le plus. C’est une chanson qui ne demande qu’à être en mode repeat toute la nuit. Le crédit pour la production swing est pour Nick Hakim. La collaboration entre les deux artistes a débuté suite à une rencontre fortuite à Brooklyn à New-York, leur quartier d’origine. Avec cet EP, Yanya revient sur cet “annus horribilis » et dans le même temps montre la compositrice et guitariste qu’elle est, prête pour son prochain coup. Ça promet pour 2021.

Photo : Paul van der Zalm