Texte : Paul van der Zalm

« Time is money, and money is no man’s friend ». Courtney Barnett a repris cette célèbre citation de son père dans « Rae Street », le titre d’ouverture de son troisième album solo Things Take Time, Take Time sorti ce vendredi. Bien sûr, cela pourrait faire référence aux trois années entre la sortie de Tell Me How You Really Feel et cet album, ou au traitement d’événements plus ou moins dramatiques dans la vie de Barnett. Mais cela peut aussi faire référence au temps qu’il faut pour reprendre ses esprits.

Dans le cas de Barnett, la période Covid lui a donné cette chance et elle l’a saisie. De retour à Melbourne, seule pour la première fois dans un appartement mis à sa disposition, elle a réussi à prendre du recul et a trouvé une nouvelle inspiration pour les chansons de cet album.

À la première écoute, les chansons ne semblent pas spectaculairement différentes ; elles sont toujours caractérisées par la façon quelque peu indolente de chanter de Barnett, à laquelle nous étions habitués depuis les premiers EP convaincants qui ont précédé son premier album. A l’écoute, on remarque que le cynisme des paroles a fait place à des observations pleines de tendresse. Comme toujours, Barnett reste fidèle à elle-même, mais il est ici question de sentiments universels. L’une des chansons clés est l’optimiste « Before You Gotta Go », l’une de ses chansons préférées, qui parle de se dire au revoir sans ressentiment.

La résignation est également présente dans « Take It Day By Day », une courte chanson qui semble avoir été écrite par Pip Blom et la seule chanson de l’album où l’on peut entendre ses accompagnateurs habituels, Dave Mudie et Bones Sloane, aux chœurs. Parmi les autres invités figurent Laetitia Tamko alias Vagabon sur la mélancolique chanson de clôture « Oh The Night », sur laquelle Barnett joue elle-même de la batterie, et Cate le Bon sur « If I Don’t Hear From You Tonight ». Cette dernière chanson peut être considérée comme la première chanson d’amour de Barnett (les paroles parlent d’une « Berceuse du couvre-feu ») dans le style de Lou Reed. Cette chanson est également la plus proche de son projet avec Kurt Vile, où elle a rencontré la batteuse de Warpaint, Stella Mozgawa. Barnett a pu s’assurer les services de sa compatriote, qui était également retournée en Australie, en tant que partenaire musicale et coproductrice pour cet album.

Quelques autres titres méritent d’être mentionnés : Dans « Here’s The Thing », nous entendons Barnett chanter vraiment comme son autre compatriote Stella Donnelly, sur un rythme lent de bossa nova et avec un arrangement complémentaire de guitare intéressant. Dans la première partie de « Turning Green », on entend uniquement le chant sur des percussions, puis la chanson se termine par une longue outro à la guitare électrique. Les paroles de « Write A List Of Things To Look Forward To » ne peuvent pas vraiment être qualifiées de gaies, mais musicalement, c’est une pop rythmée qui sonne bien, avec une guitare sautillante ; le clip qui accompagne cette chanson est un clin d’œil aux nombreux paquets de Covid qui sont livrés à domicile.

Cette fois, Barnett garde le vrai blues pour la pochette, en neuf bandes bleues.

P.S. : Pour ceux qui veulent entendre Barnett faire du rock, elle a récemment sorti « Smile Real Nice » pour la bande originale de la série télévisée « Harriet The Spy ».

Photo : Mia Mala McDonald